La bouche d’Olivier est un théâtre, et tout en sort. (Des animaux. Des bouchers. Des Jacqueline.) Olivier est un acteur terrien, et surnaturel. Quand il a des rôles muets, on entend tout (1). Parfois je le vois et je me dis : « C’est une baleine qui pleure. » Ou : « Qu’est-ce qu’il est belle (2). » Olivier, il a des capteurs (3). Olivier est un acteur hors du commun : il touche en nous ce que nous avons de commun. Olivier est un acteur formidable (du latin formido : peur, terreur, effroi.) Il est de la tête, du sexe, et du coeur. Olivier est un acteur taillé pour les fous, les visionnaires, les poètes (4). Un pur acteur novarinien (5). C’est un athlète du souffle. Des langues impossibles. Faut dire, il est tombé dans la marmite quand il était petit (6). Aussi bien, les paroles gelées sortent toutes chaudes du corps d’Olivier (7). Olivier est un acteur qui s’auto-pétrit. Il crache des mots. Des notes. Des gags. Pas étonnant qu’il déborde vers d’autres disciplines (8). D’ailleurs, il était rugbyman. Même quand il est solo, il est en équipe. Il a le goût de la mêlée (9). Des lignées (10). Et des fidélités (11). Quand j’écris les initiales d’Olivier, je pense à l’Organisation Mondiale de la Santé. Olivier est un acteur de salubrité publique. Il nous remet le corps en place. Quelque part dans le vide, au milieu du cosmos. Olivier est un acteur relié. À la vigne (c’est un acteur dionysiaque). À la fièvre d’un match. À ce qui nous donne vertige. Et nous émeut.
Marion Aubert, août 2020
(1) Bigre, 2013.
(2) Tous les spectacles.
(3) Plus d’un public captif s’est transformé en public capté sous le coup des capteurs d’Olivier.
(4) [ƷAKLIN] Jacqueline, Écrits d’Art Brut, 2019.
(5) Mais on le voit aussi bien chez Rabelais, Jarry, De Vos, Aubert.
(6) Ses grands-parents parlaient le patois de l’Aveyron et du Morvan.
(7) Pantagruel, 2013.
(8) Ô Carmen, 2008.
(9) Olivier a nourri de nombreuses collaborations (avec Nicolas Vial, Thomas Blanchard, Marion Guerrero, Thomas Condemine…).
(10) Olivier est le parrain de la promotion 30 (2018-2021) de l’école de la Comédie de Saint-Etienne.
(11) Olivier est compagnon de route de Benjamin Lazar (avec qui il crée à 21 ans le Bourgeois Gentilhomme), de Pierre Guillois (c’est au Théâtre du Peuple de Bussang que je l’ai vu pour la
toute première fois), de Valère Novarina (à compter de L’Acte Inconnu, 2007).
À chaque fois que je travaille avec les acteurs de Catalyse ça me fait penser à Renaud Lavillenie, recordman du monde du saut à la perche, avec qui j’ai discuté dans une piscine sur l’île de la Réunion. Il m’a dit que dès l’âge de 14 ans il avait installé dans son jardin un sautoir et il y avait déjà la barre du record du monde de Bubka : quand je vois jouer les acteurs de Catalyse j’ai cette même sensation. Vraiment je trouve une telle nécessité, une sincérité et un investissement émotionnel que je n’ai jamais vu ailleurs. Alors passer du temps avec eux, me frotter à leurs talents me fait grandir.
Olivier Martin-Salvan